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LA GYNE

CHAPITRE I

Passage et vibration

L'horizon frémit. Il se força à l'observer et se demanda s'il ne commençait pas à se replier alors qu'ils n'avaient pas bougé d'un centimètre. Une angoisse collante envahit leurs esprits. Si les filles avaient pu rentrer dans le torse de leur sigisbée, elles s'y seraient fondues sans hésitation. Oui, cette fois, les indispositions dues aux déplacements spiralés débutèrent pendant leur surplace ! Il en conçut une rage effaçant toute réflexion.

L'infrason d'une rumeur étouffée, quasi imperceptible au départ, sourdait du lointain inconnaissable dans les intersections floues de ces routes déboussolées. En peu de temps, elle emplit l'espace d'une présence presque palpable, procréant de légers tremblements de l'air, du sol, des arbres, de la lumière.

 

Elle amplifia, malaxant l'espace d'un ronflement qui bousculait les êtres et saturait leur esprit, ahana en un crescendo insupportable, déborda enfin en grondement cyclopéen dans toutes les gammes audibles pour l'oreille humaine. Il ne parvenait plus à respirer, frappé de plein fouet par l'onde géante. Douce Amie s'était évanouie après un cri rauque. Il la serrait contre lui, angoissé à l'idée de la lâcher. Petit Arc-en-Ciel hurlait sur un ton suraigu. Elle s'accrochait à son cou épais en y enfonçant ses ongles, lui rappelant son premier contact avec Cœur Pur, la petite chatte abandonnée dans le Nid de Gris Vautour. L’atmosphère laiteuse évolua en un brouillard obscur, vite remplacé par une lumière noire paradoxale : elle éblouissait !

 

S’établit alors une impression de chuter dans un puits tout en subissant une accélération insupportable. Il sentit la fillette rendre dans son col. Il hurla à son tour tant il se sentait tourmenté par ces malaises majeurs n’ayant aucun rapport avec ce qu'il avait enduré dans les spirales. Il luttait contre la perte de conscience, vomit à son tour par la bouche et le nez.

 

Il parvint à fixer son attention sur une étincelle luminescente surgissant à l’horizon. Le boucan titanesque, les secouements infernaux, cette insoutenable lumière noire, tout concourait à leur naufrage physique et anéantissement mental.

 

Nuit infinie, ballottements au gré de vagues anthracites… Un nuage plus clair tremblotait au-dessus d'une mer d'encre. C'était l'ébauche d'une tête avec une bouche rose s'ouvrant sur des canines pointues. Il crut reconnaître un chat feulant de colère, apparaissant et disparaissant au gré du roulis.

 

-  Que fais-tu là ?

 

Il pensait encore à Cœur Pur. Sa voix méconnaissable résonnait comme venue du fond d'un tonneau.

 

-  Je vous attendais.

 

Qui répondait ? Cette voix profonde ne pouvait appartenir à une chatte… Une odeur persistante l’indisposait et le tangage n'arrangeait rien. Il entendit un geignement. Bon dieu, les filles ! Il les sentit contre lui - ouf ! - mais impossible de les distinguer dans ce noir de gouffre.

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